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L’allongement des termes hypothécaires peut-il amortir le choc des paiements au Canada ?

Les Canadiens sont de plus en plus nombreux à s’inquiéter à l’idée d’une hausse soudaine des mensualités lors du renouvellement prochain de leur prêt hypothécaire. Certains se demandent si l’adoption de termes plus longs, comme aux États-Unis, améliorerait leur stabilité financière.

Longer mortgage terms in Canada

Les Canadiens sont de plus en plus nombreux à s’inquiéter à l’idée d’une hausse soudaine des mensualités lors du renouvellement prochain de leur prêt hypothécaire. Certains se demandent si l’adoption de termes plus longs, comme aux États-Unis, améliorerait leur stabilité financière.

Les prêteurs canadiens peuvent théoriquement offrir des termes de 15, 20, 25, voire 30 ans. Ils se heurtent cependant à la réglementation bancaire et aux préférences défavorables des consommateurs.

L’absence de prêts hypothécaires à long terme au Canada s’explique par la réglementation bancaire, et non par une interdiction légale, précise M. Ben Rabidoux, fondateur d’Edge Realty Analytics : « La Loi sur les banques limite les pénalités de remboursement anticipé, dit-il. Les banques hésitent donc à offrir des prêts de 30 ans sans garantie que l’emprunteur y restera. »

« Il y a énormément de risque inhérent au fait de consentir à quelqu’un un contrat de prêt de 30 ans et de le voir résilier son contrat par la suite, poursuit-il. Donc, les banques disent : “Nous n’offrirons jamais de prêts hypothécaires de 30 ans si nous n’avons aucun moyen de nous assurer que vous y resterez”. »

Ce problème est particulièrement pressant, car 76 % des prêts hypothécaires en cours au Canada devront être renouvelés d’ici la fin de 2026, et les chocs de paiement associés devraient entraîner une augmentation des retards de paiement.

En supposant que les taux d’intérêt soient constants d’ici là, l’augmentation médiane des paiements pour tous les emprunteurs hypothécaires serait supérieure à 30 %, tandis que les emprunteurs à taux variable et mensualité fixe verraient leurs remises bondir de plus de 60 %, selon M. Rabidoux.

Les termes plus longs ont déjà fait la norme

Bien que les termes de cinq ans soient l’option par défaut aujourd’hui, les Canadiens avaient autrefois plus de choix. Bruno Valko, vice-président des ventes nationales chez RMG, se souvient d’une époque où les prêteurs offraient une plus grande variété d’options :

« Lorsque j’étais vice-président des ventes chez First Line Mortgages, au début des années 2000, nous offrions des termes de 15, 18 et 25 ans [à taux fixe]. Nous en avons vendu quelques-uns, mais pas beaucoup. Maintenant, je ne pense pas que les prêteurs offrent plus de 10 ans. »

Ce manque d’options contraste avec le marché hypothécaire au sud de la frontière, où les Américains figent un taux pour la totalité de leur terme hypothécaire et bénéficient d’un prêt ouvert qui leur permet de refinancer ou de rembourser plus tôt sans grandes pénalités.

« Ce sont des prêts complètement ouverts, alors qui s’en soucie ? Il n’y a pas de potentiel de DTI [différentiel de taux d’intérêt] », dit M. Valko, ajoutant que les prêts hypothécaires ouverts sont disponibles au Canada, mais à un taux majoré important. « Vous allez payer un montant astronomique d’intérêts supplémentaires, ajoute-t-il, alors les gens boudent cette option. »

En même temps, M. Valko observe que les décisions de la Banque du Canada sur les taux d’intérêt affectent de plus en plus la stabilité financière des Canadiens. Beaucoup se demandent s’il existe une meilleure solution, permettant aux consommateurs de figer leurs taux sur une plus longue période.

« On peut déjà figer les taux, mais ça coûte cher », a déclaré Peter Routledge, chef du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), lors d’une récente audience du Comité parlementaire des finances. « Globalement, si l’ensemble de produits évoluait de cette manière, ce serait un avantage net pour le système, car les débiteurs hypothécaires auraient plus de choix pour gérer leurs risques financiers personnels. »

Hypothèques canadiennes liées aux taux américains

Selon M. Valko, la plus grande ironie de notre système actuel est que le choc est plus rude pour les Canadiens, même si leurs taux hypothécaires dépendent beaucoup plus de l’économie américaine que du marché intérieur.

Il explique que la Banque du Canada fixe les taux d’intérêt en fonction du rendement des obligations à 5 ans du gouvernement canadien, rendement qui a toujours été lié à celui des obligations de 10 ans du Trésor américain, elles-mêmes influencées par des indicateurs économiques des États-Unis comme l’inflation et l’emploi.

« Peu importe ce qui se passe au Canada, ce qui compte, c’est ce qui se passe aux États-Unis », dit M. Valko.

« Alors, pourquoi n’avons-nous pas un programme hypothécaire similaire si nos prix de prêts sont si liés aux États-Unis ? interroge M. Valko. Il serait logique d’aligner nos programmes hypothécaires sur le pays qui influence nos taux. »

Que se passerait-il si les Canadiens allongeaient le terme de leurs prêts à l’habitation ?

L’abandon de la norme hypothécaire de cinq ans pourrait accroître la stabilité financière des Canadiens. Selon M. Valko, cette mesure réduirait l’influence de la Banque du Canada. Cependant, elle reste financièrement irréalisable pour la plupart des banques.

« Les consommateurs en tireraient de nombreux avantages, surtout s’ils ne prévoient pas de vendre, explique M. Valko. Leurs paiements resteraient stables, éliminant l’anxiété liée au renouvellement. »

M. Valko souligne toutefois que les finances des ménages canadiens dépendent étroitement des taux d’intérêt. Cette situation renforce l’impact de la politique monétaire, principal outil de la Banque du Canada contre l’inflation.

« Aux États-Unis, la Réserve fédérale doit augmenter davantage ses taux pour obtenir un effet similaire, note M. Valko. Leurs prêts hypothécaires sont moins sensibles aux variations de taux. » Cette différence explique pourquoi le Canada a pu réduire ses taux plus tôt que son voisin du sud.

La crise financière de 2007-2008 plaide en faveur du système actuel.

« Notre système hypothécaire a mieux résisté que celui de nombreux autres pays, affirme M. Valko. Il a prouvé sa solidité face à la crise des prêts à haut risque. »

Le surintendant du BSIF, M. Routledge, partage cet avis. Lors d’une audience parlementaire, il a déclaré : « Nos homologues internationaux envient la qualité du crédit de notre système hypothécaire.

Chaque pays possède un système hypothécaire façonné par son histoire et sa réglementation. Celui du Canada a démontré son efficacité. »

Pourquoi les taux à long terme pourraient bientôt avoir plus d’attrait pour les Canadiens

Les options hypothécaires à long terme restent plus coûteuses au Canada, en raison de la Loi sur les banques. Cependant, les récentes fluctuations des taux pourraient inciter les Canadiens à payer cette prime pour bénéficier de taux fixes sur une plus longue période.

En fait, M. Valko cite un précédent historique lorsque les taux d’intérêt élevés de la fin des années quatre-vingt-dix ont chuté avec l’effondrement des dots-com du début de 2001.

« À l’époque, les gens voyaient 7,25 % [taux hypothécaires sur une période de 5 ans] pendant si longtemps, puis lorsque des périodes de 10 ans étaient offertes à, disons, 5 %, les gens disaient : “Waouh ! C’est beaucoup plus bas que la période de sept ans et quart de 5 ans qui était disponible l’année dernière”, dit-il. Si les gens envisagent des taux hypothécaires de 5 % maintenant, et disons [une fois que les taux baissent davantage] que les 10 ans sont offerts à quatre ans et quart, je pense que les gens seraient enclins à le prendre. »

Actuellement, moins de 5 % des emprunteurs canadiens choisissent un terme de 10 ans. Deux facteurs expliquent cette réticence : des taux d’intérêt plus élevés pour les durées longues et le risque de pénalités substantielles en cas de remboursement anticipé.

Comme le souligne M. Rabidoux, ces pénalités peuvent s’avérer particulièrement lourdes, surtout si le contrat est résilié dans les cinq premières années. Il pense toutefois que le Canada finira par adopter des termes plus longs, semblables à ceux offerts aux États-Unis.

« C’est une bonne idée, conclut-il. Je pense que cela va probablement arriver, mais cela prendra probablement au moins quelques années. »

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Last modified: juillet 2, 2024

Journaliste indépendant et conférencier torontois, Jared Lindzon possède une plume recherchée par les plus prestigieux médias. Ses articles paraissent dans le Globe & Mail, Fast Company et TIME Magazine, mais aussi dans le New York Times, Rolling Stone, The Guardian et Fortune Magazine.

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