Les investisseurs et les analystes sont de plus en plus convaincus que la Banque du Canada procédera mercredi à une deuxième baisse consécutive de ses taux afin de soutenir l’économie, alors que les inquiétudes concernant l’inflation s’apaisent et que les signes de faiblesse économique se multiplient.
Lundi soir, les marchés obligataires évaluaient à 90 % les chances d’une baisse de taux d’un quart de point, ce qui ramènerait le taux cible du financement à un jour de la Banque à 4,50 %. Il s’agirait d’une bonne nouvelle pour les détenteurs de prêts hypothécaires à taux variable et de lignes de crédit, qui verraient leurs frais d’intérêt réduits pour la deuxième fois en autant de mois.
Les économistes Taylor Schleich et Warren Lovely de la Financière Banque Nationale l’affirment : « L’inflation se comporte bien mieux aujourd’hui. Les progrès réalisés devraient faciliter cette décision. » Ils ajoutent : « L’analyse des cycles précédents montre que la BdC commence souvent par des baisses consécutives. »
Plusieurs facteurs confortent la Banque du Canada dans cette direction :
1. Allègement de l’inflation
Les chiffres récents de l’inflation confortent la tendance baissière. Statistique Canada révèle un net ralentissement en juin. L’indice des prix à la consommation (IPC) affiche une hausse annuelle de seulement 2,5 %. Ce chiffre marque une nette amélioration par rapport aux 3,4 % de mai. L’inflation atteint ainsi son plus bas niveau depuis plus de deux ans. La baisse des prix de l’énergie et le ralentissement de l’inflation alimentaire expliquent cette évolution.
Katherine Judge, économiste à la Banque CIBC, analyse la situation. Elle déclare : « Les données de l’IPC de juin ont donné à la Banque du Canada ce dont elle avait besoin pour réduire les taux d’intérêt. »
2. Ralentissement du marché du travail
Le marché de l’emploi canadien montre des signes de faiblesse croissants. Le taux de chômage poursuit sa hausse, atteignant 6,4 % en juin. Cette augmentation se traduit par 42 000 chômeurs supplémentaires. Le total national s’élève désormais à 1,4 million de personnes sans emploi.
Bruno Valko, vice-président des ventes nationales chez RMG, ne mâche pas ses mots. Il qualifie les chiffres de l’emploi de juin d’« horribles ».
« Nous voyons cela dans notre industrie avec les clients et leurs batailles pour acheter des maisons, renouveler à des tarifs plus élevés, etc. », a-t-il écrit dans une note aux abonnés. « J’espère que maintenant, les économistes voient notre véritable marché du travail. Il n’est pas résilient. Il est faible [et] la Banque du Canada va le remarquer. »
Malgré les actions à court terme de la Banque du Canada, la Financière Banque Nationale reste pessimiste. Elle prévoit une hausse continue du chômage, atteignant environ 7 % d’ici fin 2023.
3. Les taux d’intérêt élevés font des ravages
Les taux élevés pèsent lourdement sur l’économie canadienne. La Banque du Canada en est pleinement consciente. Les indicateurs récents révèlent une douleur économique croissante. Cette situation crée un sentiment d’urgence pour alléger la pression monétaire.
L’Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada brosse un tableau préoccupant. Les prévisions de ventes restent moroses, particulièrement dans les secteurs liés aux dépenses discrétionnaires. Les plans d’investissement sont également en berne. La faiblesse de la demande, les taux élevés et les inquiétudes sur les coûts freinent les projets.
Le moral des consommateurs demeure fragile. Le dernier sondage de la Banque du Canada sur les attentes des consommateurs le confirme. Le stress financier reste élevé. De nombreux Canadiens prévoient de réduire leurs dépenses et de se concentrer sur le remboursement de leurs dettes. Les inquiétudes sur la sécurité de l’emploi s’accentuent, surtout dans le secteur privé. Le pessimisme général quant aux perspectives économiques impacte les intentions de dépenses.
Le rapport des ventes au détail de mai confirme la tendance baissière des dépenses. Il révèle une chute de 0,8 % par rapport au mois précédent. Les Canadiens réduisent nettement leurs achats discrétionnaires.
Maëlle Boulais-Préseault, économiste chez Desjardins, analyse ces chiffres. Elle déclare : « Une autre publication de données, un autre indicateur économique justifiant notre appel à la Banque du Canada de réduire le taux directeur de 25 points de base. Et si le titre pour le commerce de détail semble mauvais, sur une base par habitant, il semble encore pire en raison de la croissance démographique encore en hausse. »
4. Réduction du risque de divergence des politiques entre les États-Unis et le Canada
En début d’année, des inquiétudes ont émergé concernant une possible divergence entre les politiques monétaires canadienne et américaine. L’inflation baissait au Canada mais persistait aux États-Unis. Cette situation laissait craindre une baisse des taux par la Banque du Canada alors que la Fed les augmenterait. Un tel scénario risquait d’affaiblir le dollar canadien et d’augmenter les coûts d’importation.
La donne a changé en juin. L’inflation américaine, plus faible que prévu, a ravivé les espoirs de baisses de taux multiples par la Fed cette année. Ce revirement apaise les craintes de divergence politique. La Banque du Canada gagne ainsi en flexibilité pour ses décisions de taux.
Les économistes de la Banque Nationale confirment cette analyse. Ils déclarent : « Nous ne voyons (toujours) pas de préoccupations de divergence entre la Banque du Canada et la Fed influer sur cette décision, surtout maintenant que le marché s’est uni autour d’une réduction du FOMC à l’automne. Les limites de la divergence des taux directeurs ne devraient pas être mises à l’épreuve au cours de ce cycle. »
Préoccupations persistantes pour la Banque du Canada
Bien qu’il y ait de solides arguments en faveur d’une deuxième baisse de taux d’affilée, la Banque du Canada pourrait encore avoir quelques réserves quant à une réduction trop agressive des taux.
La croissance des salaires reste élevée
Malgré le ralentissement du marché du travail, la croissance des salaires reste soutenue. La plupart des indicateurs montrent une hausse annuelle d’environ 4 %. Ce chiffre, bien qu’en baisse par rapport aux pics de 4,5 % à 6 %, demeure élevé. Une telle croissance salariale peut alimenter l’inflation.
Cette robustesse des salaires s’explique par un marché du travail tendu et une forte demande de main-d’œuvre. Elle complique la lutte contre l’inflation. Cependant, de nombreux experts, dont la Banque du Canada, anticipent un ralentissement progressif de cette tendance.
Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a récemment déclaré dams un discours : « Le fait que les salaires modèrent plus lentement que l’inflation n’est pas surprenant : les salaires ont tendance à être à la traîne des ajustements de l’emploi. À l’avenir, nous nous attendrons à ce que la croissance des salaires se modère davantage. »
L’inflation de base s’obstine

Malgré un rapport d’inflation encourageant en juin, la situation reste complexe. Le mois précédent avait surpris par des chiffres élevés. Et si l’inflation globale a chuté plus que prévu en juin, l’inflation de base reste supérieure à 2 % sur une base annuelle désaisonnalisée.
Les économistes de la Banque Nationale analysent la situation avec nuance. Ils déclarent : « Néanmoins, nous ne pensons pas que le Conseil d’administration manquera confondra l’arbre avec la forêt. L’inflation est irréfutablement mieux comportée que dans le passé. »
Les dernières grandes prévisions de taux
Voici les dernières prévisions de taux d’intérêt et de rendement des obligations des six grandes banques, avec tous les changements par rapport à notre tableau précédent entre parenthèses.
Taux cible actuel : | Taux cible : Fin 2024 | Taux cible : Fin 2025 | Obligations 5 ans : Fin 2024 | Obligations 5 ans : Fin 2025 | |
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BMO | 4,75 % | 4,25 % (+25 pb) | 4,00 % (+100 pb) | 3,30 % (+5 pb) | 3,15 % (+20 pb) |
CIBC | 4,75 % | 4,00 % | 2,75 % | S.O. | S.O. |
BNC | 4,75 % | 4,00 % (-25 pb) | 3,00 % | 3,15 % (-20 pb) | 3,00 % |
RBC | 4,75 % | 4,00 % | 3,00 % | 3,00 % | 3,00 % |
Scotia | 4,75 % | 4,00 % (-25 pb) | 3,25 % (+25 pb) | 3,45 % (-5 pb) | 3,50 % |
TD | 4,75 % | 4,25 % | 2,75 % | 3,25 % (-25 pb) | 2,65 % (-25 pb) |
Aperçu de la Banque du Canada Bruno Valko financière banque nationale Katherine Judge La Banque du Canada Maëlle Boulais-Préseault perspectives des taux Prévisions de taux de la Banque du Canada Tableau de prédiction des taux Taylor Schleich Warren Lovely
Last modified: février 19, 2025