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Taux fixe ou variable : Pourquoi les prêts à taux variable font leur grand retour

Les taux hypothécaires variables sur 5 ans rejoignent désormais leurs homologues fixes, suite à la récente décision de la Banque du Canada. Cette égalité des taux soulève une question cruciale : “Le moment est-il venu d’opter pour le variable ?”

Fixed vs. variable mortgage rate

Les prêts hypothécaires à taux variable séduisent davantage les emprunteurs, car la Banque du Canada devrait encore réduire ses taux.

La flexibilité présente toutefois des risques majeurs. Les emprunteurs doivent en effet soupeser avec soin leurs gains éventuels. Leur choix se complique davantage face à un marché instable et à la menace d’un conflit commercial avec les États-Unis.

Le courtier Ron Butler, fondateur de Butler Mortgages, n’a jamais constaté une telle volatilité sur le marché obligataire. « Du jamais vu », a-t-il confié à Canadian Mortgage Trends.

« La situation me rappelle exactement 2008, avec la crise financière mondiale. C’est du délire total », a-t-il lancé.

Le rendement des obligations canadiennes à 5 ans a connu une chute spectaculaire, observe M. Butler. Cet indicateur crucial pour les taux hypothécaires fixes s’est effondré de 3,85 % à 2,64 % entre avril et la semaine dernière. Les taux variables à 5 ans ont suivi cette tendance baissière. Grâce aux six réductions successives opérées par la Banque du Canada, ces taux rejoignent désormais leurs homologues fixes, une situation inédite depuis novembre.

Les emprunteurs se ruent sur les taux variables

Au-delà de la volatilité et de la menace de tarifs américains dévastateurs, les taux variables présentent un dossier convaincant.

Les marchés financiers tablent encore sur deux réductions minimales du taux directeur par la Banque du Canada en 2023. Cette perspective laisse entrevoir une baisse d’au moins 50 points de base des taux hypothécaires variables.

Les analystes financiers prévoient des baisses de taux massives pour neutraliser les dégâts qu’une guerre commerciale avec les États-Unis infligerait à l’économie.

David Larock, analyste chez Integrated Mortgage Planners, vient d’affirmer dans son blogue : « Je ne pense pas qu’il soit exagéré de croire que la Banque réduira son taux directeur de son niveau actuel de 3,00 % à au moins 2 % pendant le cycle actuel. »

L’expert met toutefois en garde : les hausses de taux pourraient revenir sur le devant de la scène dès que l’inflation montrerait à nouveau des signes inquiétants.

M. Larock met en garde les emprunteurs : « Bien que je m’attende à ce que les taux variables surpassent les options à taux fixe actuelles, je mets en garde quiconque choisissant un taux variable sur 5 ans aujourd’hui de ne le faire que s’il est prêt à une hausse des taux à un moment donné pendant la durée du prêt. Cinq ans suffisent pour amorcer un nouveau cycle de taux et les taux variables devraient remonter depuis leur plancher à court terme. »

Les emprunteurs acceptent désormais massivement ce risque financier. La proportion de prêts à taux variable bondit selon la Banque du Canada : ils représentent maintenant un quart des nouveaux emprunts contre à peine 10 % en début d’année.

Ron Butler constate une nette accélération de cette tendance. Son portefeuille de prêts hypothécaires à taux variable a bondi de 7 % à 40 % en quelques mois à peine.

« Nous conseillons aux clients de prendre du taux variable, car nous avons maintenant des rapports concrets d’analystes du marché indiquant qu’il va baisser. L’avantage du taux variable est un montant de pénalité garanti ; avec le taux fixe, vous ne savez tout simplement pas quelle pénalité vous allez vraiment avoir. »

Les prêts hypothécaires à taux variable offrent une flexibilité appréciable aux emprunteurs. Leur pénalité de résiliation se limite à trois mois d’intérêts. En revanche, les prêts à taux fixe imposent des pénalités beaucoup plus lourdes, calculées sur le différentiel de taux d’intérêt. Ces pénalités peuvent atteindre des dizaines de milliers de dollars. Cette différence significative rend les prêts à taux variable particulièrement avantageux pour les emprunteurs qui envisagent une résiliation anticipée.

Ron Butler rejette l’idée d’un impact immédiat des tarifs sur le marché hypothécaire. Les contre-tarifs de représailles provoqueraient d’abord une hausse de l’inflation. « Ce délai permettra aux emprunteurs à taux variable de basculer vers un taux fixe », affirme-t-il. Les emprunteurs pourront ainsi se protéger avant que l’inflation ne contraigne la Banque du Canada à revoir sa politique monétaire.

« La guerre commerciale entraîne d’abord une détérioration économique et une baisse des taux, explique-t-il. L’inflation met ensuite neuf mois, voire un an, avant d’atteindre le seuil critique qui force la Banque à réagir. Le mécanisme inflationniste se déploie lentement. La Banque du Canada abaissera ses taux bien avant la hausse des coûts. »

L’experte Tracy Valko, directrice de Valko Financial, minimise l’impact de l’inflation en cas de guerre commerciale. La financière privilégie plutôt les indicateurs économiques immédiats, notamment le chômage. Cette analyste chevronnée redoute d’ailleurs une explosion du taux de chômage dès l’annonce des tarifs douaniers, car les entreprises anticiperaient le choc.

« Le mot “inflation” dominait l’an dernier ; le terme “emploi” prendra sa place cette année, affirme-t-elle. Les tarifs douaniers provoqueront une vague de chômage. Les citoyens perdront leur capacité à se loger. Cette crise sociale exercera une pression énorme sur les infrastructures de l’État. Le phénomène différera de l’inflation, cet indicateur à retardement. Les entreprises devront réagir sans délai. Le chômage frappera massivement certains secteurs. »

La dernière menace tarifaire de Trump sur l’aluminium et l’acier menace directement les travailleurs canadiens. Ces industries pourraient subir des dommages dévastateurs en quelques jours à peine.

Mme Valko prévoit une baisse accélérée des taux d’intérêt en cas de chômage massif. Cette chute pourrait même déclencher, selon la Banque Nationale, une réduction d’urgence pour contrer l’impact des tarifs élevés. Cette perspective renforce certes l’attrait du taux variable, admet Valko, mais elle alimente aussi l’incertitude ambiante du marché.

« Le pessimisme règne actuellement, affirme l’experte. Nos clients propriétaires, échaudés par les soubresauts des marchés hypothécaire et immobilier, fuient désormais toute forme d’instabilité. Le niveau d’éducation sans précédent de la clientèle la pousse à scruter minutieusement ses options de financement — une évolution réjouissante. Cette prudence généralisée réserve maintenant les taux variables aux seuls investisseurs au profil aventureux. »

Des options de taux pour les emprunteurs frileux

Les emprunteurs privilégient désormais les taux fixes à court terme, observe Mme Valko. Inquiets de la conjoncture économique, ils recherchent la stabilité tout en évitant les engagements à long terme.

« Le taux fixe sur trois ans, affirme-t-elle, séduit davantage les emprunteurs, car il évite la hausse associée au terme classique de cinq ans. Les acheteurs misent sur un retour à l’équilibre du marché d’ici trois ans. »

Les prêts hypothécaires hybrides offrent une solution intéressante aux emprunteurs prudents. Ces produits financiers partagent le montant du prêt entre taux fixes et variables. Les grandes institutions financières proposent désormais largement cette formule à leur clientèle.

« Certains investisseurs adoptent une position médiane face au risque. Ces investisseurs gagneraient à répartir leurs placements entre taux fixe et variable, tout en conservant la souplesse d’un ajustement rapide. Cette formule me paraît idéale. »

Ron Butler n’est cependant pas du même avis.

« Une hypothèque hybride, conclut-il, signifie que vous avez toujours à moitié tort concernant les taux hypothécaires. Si la balance des probabilités indique clairement que le taux variable est la bonne réponse à court terme, optez pour le taux variable et surveillez attentivement l’évolution des taux fixes. »,

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Last modified: février 13, 2025

Journaliste indépendant et conférencier torontois, Jared Lindzon possède une plume recherchée par les plus prestigieux médias. Ses articles paraissent dans le Globe & Mail, Fast Company et TIME Magazine, mais aussi dans le New York Times, Rolling Stone, The Guardian et Fortune Magazine.

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