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Trois grandes banques ont baissé leurs taux hypothécaires, dont l’une a fixé le taux fixe de cinq ans à 3,99 %

Trois grandes banques canadiennes ont réduit leurs taux hypothécaires fixes cette semaine. Cette décision fait suite aux soubresauts spectaculaires du marché obligataire et aux inquiétudes économiques suscitées par les menaces tarifaires de Donald Trump.

La CIBC a pris les devants avec une décision inédite : baisser ses taux jusqu’à un demi-point pour certaines échéances. Son prêt à ratio élevé sur 5 ans affiche désormais 3,99 %, passant sous la barre des 4 %. Ce taux constitue l’offre publique la plus avantageuse des six grandes banques.

TD et BMO ont réduit modérément leurs taux sur certaines durées hypothécaires cette semaine. Les autres acteurs du marché hypothécaire — maisons de courtage, prêteurs non bancaires et coopératives de crédit — ont enchaîné les baisses de taux.

La Banque du Canada pourrait baisser ses taux d’un quart de point supplémentaire la semaine prochaine, face aux menaces tarifaires persistantes et au ralentissement du marché de l’emploi.

« La Banque du Canada accélère ses baisses de taux pour se prémunir contre les turbulences économiques provoquées par les actions de Trump », explique David Larock d’Integrated Mortgage Planners.

M. Larock note que les taux hypothécaires fixes se détachent des rendements obligataires, malgré l’évolution parallèle du marché des obligations. Cette relation, généralement étroite en période normale, s’estompe dans le contexte actuel.

Pourquoi les taux hypothécaires sont à la traîne des taux obligataires

Les ajustements récents des taux de CIBC, BMO et TD sont probablement une réponse aux baisses du marché obligataire canadien à cinq ans, bien que ces réductions aient été retardées et atténuées par la volatilité à court terme.

Les rendements obligataires ont culminé à 3,29 % à la mi-janvier avant de s’effondrer à 2,50 % cette semaine, leur plus bas niveau depuis trois ans. Cette chute coïncide avec l’application attendue des tarifs douaniers. Un rebond s’est toutefois amorcé jusqu’à 2,69 % après l’annonce du report des tarifs au 2 avril. Les banques tardent à réagir : malgré la baisse continue des rendements depuis janvier, elles commencent seulement à réviser leurs taux fixes.

« Dans un environnement de fluctuations des rendements obligataires, les prêteurs ne réagissent pas à chaque mouvement du marché, explique M. Larock. Nous évoluons dans un contexte de rendements obligataires bas depuis un moment, et cela, à mon avis, témoigne d’une tendance à long terme plutôt que d’une variation à court terme. »

M. Larock observe que les banques, face à cette volatilité économique, n’ajustent leurs taux qu’en réponse aux tendances durables. Les taux hypothécaires fixes continueront donc à suivre les rendements obligataires avec un décalage pendant encore un certain temps.

« Les gens ignorent souvent un fait important : la baisse des rendements obligataires s’accompagne d’une hausse des primes de risque, explique-t-il. Les taux fixes réagissent donc différemment lorsque les rendements obligataires chutent sous l’effet des craintes économiques. »

M. Larock établit un parallèle avec le krach pétrolier de 2014-2015. La Banque du Canada avait alors réduit ses taux d’intérêt d’un demi-point en juillet 2015. Les rendements des obligations à 5 ans avaient plongé sous les 0,75 %, sans entraîner de baisse immédiate des taux hypothécaires fixes.

« L’histoire se répète avec les rendements obligataires actuels. Les taux résistent davantage aux changements que d’habitude, tout simplement parce que nous traversons un choc économique, explique-t-il. Dans ce contexte incertain, les prêteurs évitent la concurrence acharnée. Ils hésitent à accorder des crédits quand les risques s’accumulent. »

Pourquoi les banques réduisent-elles les taux hypothécaires maintenant ?

Les taux fixes amorcent leur descente, sans suivre le rythme des rendements obligataires. M. Larock tempère cependant l’optimisme. Cette baisse ne signale pas, selon lui, que les banques prévoient un marché printanier dynamique. La CIBC applique plutôt des prix agressifs pour compenser ses piètres résultats trimestriels en matière de nouveaux prêts hypothécaires.

« La CIBC cherche à projeter l’image d’une banque offrant les meilleurs taux du marché. Cependant, les autres banques s’empresseront de s’aligner sur ses tarifs pour protéger leurs parts de marché », explique M. Larock.

D’autres supposent que les banques adoptent une approche plus agressive, voyant cela comme le calme avant une potentielle tempête économique. En abaissant les taux, elles espèrent inciter les acheteurs à sortir de l’inaction avant qu’une guerre commerciale à grande échelle ne les y renvoie.

« Le marché immobilier aurait connu une année dynamique, mais les tarifs freinent son élan », explique Tracy Valko de Valko Financial. « Une brève flambée d’activité s’annonce, mais elle ne durera pas longtemps. »

Mme Valko explique que l’imposition de tarifs généralisés entraînerait une vague de licenciements et plongerait l’économie dans une récession majeure. Cette période d’accalmie actuelle pourrait alors représenter le pic d’activité d’une année morose pour l’immobilier.

« Les banques anticipent un ralentissement hypothécaire. Elles s’empressent donc de proposer des taux attractifs pour attirer un maximum d’activité et garnir leur portefeuille », a-t-elle confié à Canadian Mortgage Trends.

Les courtiers sont laissés pour compte.

Les courtiers traversent une période délicate, selon Mme Valko. Ils se remettaient à peine de quelques années difficiles quand les grandes banques ont réduit leurs taux fixes pour les emprunteurs à taux préférentiel.

« Les banques mènent une offensive agressive sur les renouvellements et les achats. L’écart se creuse entre leurs offres et celles des courtiers, poursuit Mme Valko. Nous pouvons certes baisser nos taux, mais cela réduirait notre marge dans un marché déjà ralenti depuis plusieurs années. »

La bataille des taux fixes fait rage entre les grandes banques, et TeacyValko redoute une diminution des parts de marché des courtiers.

« L’activité hypothécaire n’atteindra pas les niveaux prévus cette année, conclut-elle. Les banques chercheront à conquérir des parts de marché malgré la tendance baissière, tout comme les courtiers. Les courtiers devront redoubler de compétitivité : accepter des revenus plus modestes, baisser leurs taux et réduire leurs commissions. »

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Last modified: mars 12, 2025

Journaliste indépendant et conférencier torontois, Jared Lindzon possède une plume recherchée par les plus prestigieux médias. Ses articles paraissent dans le Globe & Mail, Fast Company et TIME Magazine, mais aussi dans le New York Times, Rolling Stone, The Guardian et Fortune Magazine.

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